
Alors que mon voyage au Japon vient de s’achever physiquement.. il ne l’est pourtant pas dans mon cœur, ni dans mon esprit.
On a tendance aujourd’hui lorsque nous voyageons à juste changer de pays. Je m’explique, nous emportons avec nous nos habitudes, nos croyances, nos attentes, sans nous laisser immerger, imprégner par la culture de cette nouvelle terre que l’on découvre. Nous ne pouvons internationaliser nos coutumes si nous souhaitons réellement découvrir un pays. Et puis, j’ai aussi le sentiment que c’est en marchant des heures dans les rues, en prenant les petites allées, en prenant les transports en commun, les bus, les métros, les trains.. que je parviens à réellement me connecter avec un pays, ses vibrations.
J’ai eu la chance de pouvoir voyager tout au long de ma vie, et ma manière de voyager a énormément évolué au fil des années. Aujourd’hui ce que je recherche c’est découvrir un pays dans sa différence, dans son authenticité.. j’apprends à l’apprécier pour ce qu’il est, sans jamais le comparer à un autre. Pourquoi toujours vouloir comparer des pays, des cultures, des personnes..? Il est vrai que la barrière de la langue, peut nous priver de nous connecter réellement avec un peuple, mais l’intention, la vibration, l’énergie communiquée par une personne, son body language, son comportement sont bien réels. Parmi les choses qui m’ont le plus touchées au Japon : la gentillesse, les douces attentions, la générosité, les gestes désintéressés de toutes les merveilleuses personnes que nous avons pu croiser mon amie et moi, lors de notre voyage.
Je pouvais me répéter plusieurs fois par jour « que dieu bénisse le Japon », c’était pour moi la phrase la plus représentative de la gratitude envers ces personnes, ce pays, leur bonté à notre égard. Une bonté qui nous émerveillait, que nous admirions avec beaucoup de gratitude, d’humilité, et qui nous rendait parfois très émotives, et nous laissait sans voix.
Il y’a également l’attention, la prévention généralisée. Il est courant de voir des petites notes près des baignoires nous invitant à d’abord tester la température de l’eau avec la main avant d’entrer dans le bain, des kimonos/chaussons/pyjamas/accessoires dans toutes les chambres d’hôtels peu importe le budget de celles-ci, le confort de l’hôte est sacré. D’autres petites notes devant les maisons nous proposant de nous asseoir si nous en ressentions le besoin, de mettre son téléphone sur silencieux pour ne pas gêner l’autre dans une rame de métro, de ne pas manger en marchant dans les marchés, nous incitant alors à prendre le temps d’apprécier, de mastiquer, sans salir les allées marchandes. La propreté des toilettes japonaises sont aussi à l’image de cette attention, le respect de l’intimité avec ces sons de cascade que l’on peut activer lorsque l’on est aux toilettes, la propreté, les lunettes chauffantes pour le confort de celui ou celle qui s’y pose..les toilettes japonaises sont une fierté nationale et nous rappellent à quel point nos besoins sont importants, que l’on doit leur donner de la place, du confort, du temps. Lorsque l’on pense aux problèmes de constipation qui surviennent chez les personnes qui ont du mal à aller aux toilettes ailleurs que chez eux, on peut comprendre l’utilité, l’exemplarité, l’attachement et l’importance des japonais vis à vis de leurs toilettes. On se déchausse à l’entrée d’une cabine d’essayage, on se déchausse à l’entrée d’une maison, d’un temple, de certains restaurants..tout est prévu à cet effet, pour honorer, respecter et s’imprégner davantage du lieu.
Il y’a aussi ces jardins, ces merveilleux jardins qui nous invitent à la contemplation. Oh, la contemplation, c’est quelque chose que l’on oublie de nos jours. Que cela soit devant une œuvre d’art dans un musée, devant un bassin, devant des cèdres millénaires, la contemplation est divine au Japon et omniprésente. Elle nous invite à donner de la place au moment présent, à apprécier la beauté, la vie qui se déroule devant nos yeux. Les jardins, les maisons, sont parfois orientés pour que l’on puisse avoir la meilleure vue afin de contempler la lune et ses reflets dans l’eau.. Les marches sur les « pas japonais » ou dans la forêt sont méditatives, et donc guérisseuses. Si la méditation devait être imagée, je la visualiserais comme un jardin japonais, où la main de l’homme vient magnifier, encourager la nature : on laisse les araignées tisser leurs toiles pour protéger les jardins des prédateurs nuisibles, on sanctifie la mousse qui se dépose sur les statues ou sur le sol. Les dalles déposées ça et là, sont uniquement présentes pour nous empêcher de l’abîmer tout en nous donnant l’opportunité de pouvoir apprécier sa beauté : c’est l’équivalent du tapis rouge dans la nature. L’homme en fait un espace zen, c’est à dire un espace où l’on se retrouve, dans sa plénitude et dans son calme intérieur.
J’ai lu une phrase qui disait que l’âme devient ce qu’elle contemple, je veux bien y croire.
Dans un autre contexte, je revois aussi ces regards fatigués, ces gens qui s’endorment dans les métros, ces personnes scotchées sur leurs téléphones, comme pour oublier le monde réel. Au Japon, il y a la culture du »Kawaii », de l’adorable, tout est mignon y compris les petits personnages ornant les voitures de police de Tokyo, comme si on voulait se reconnecter à notre enfant intérieur constamment, se reconnecter à cette part de rêveur en nous, enjoliver le quotidien, parce que ce dernier, et notamment le monde du travail est parfois pesant, trop pesant. Il suffit de voir la fatigue sur les visages dans le métro, l’épuisement, les gens qui s’endorment debout, assis.. et puis cette dignité, parfois peut-être et sûrement de façade, car elle est sous contrôle. Avoir un monde parallèle mignon, est une manière de nous accrocher, de nous échapper de la réalité moins « kawaii ». On comprend alors l’importance des animaux de compagnie. Ces derniers sont très proches des humains, notamment des chiens et des chats. Lorsque que nous rentrons dans des boutiques pour animaux, celles-ci ressemblent davantage à des boutiques de vêtements et d’accessoires pour bébés que d’animaux (poussettes, bodies etc.). Les bars à chats, cochons nains, hérissons et autres, sont présents dans toutes les villes. Les japonais ont bien compris le rôle des animaux et leurs bienfaits sur notre santé, et notre bien-être.. mais cela me laisse perplexe et gênée. Ils restent des animaux avec des besoins propres. Ils semblent eux aussi, finalement, appartenir au monde parallèle du « Kawaii »..
Je me rappelle alors d’un documentaire qui parlait du terme « Karōshi », signifiant littéralement « mort par épuisement au travail ». Il désigne la mort subite d’employés, de cadres par AVC, arrêts cardiaques, suicides à la suite d’une trop grande surcharge de travail, d’un surmenage ou d’un stress trop important. Tout cela bien sûr me touche, moi qui suis constamment dans la sensibilisation sur des sujets tels que le burn out, la charge mentale, le bien-être.. Les restaurants ont parfois 1-2 employés, ils sont tous polyvalents, et semblent dire « je peux tout faire, je peux tout gérer »..
Les émotions sont également intériorisées, le ton de la voix est monotone, les gestes sont délicats dans la cuisine comme dans la vie de tous les jours, la brusquerie n’a pas sa place. Alors je m’interroge, alors que je suis toujours très enclin à vouloir me reconnecter à mon monde émotionnel, à lui donner de la place et du sens, je me demande quelle place donne-t-on au Japon pour la sensibilité, pour nos émotions, celles qui nous traversent notamment sur notre lieu de travail ?
Et puis, il y a la cuisine japonaise, ses mets délicats où l’on associe des saveurs différentes, aussi beaux à regarder que bons pour la santé. Un thé vert accompagne souvent les plats traditionnels : le Ichiju-sansai. Un set de plusieurs petits mets composés d’une soupe miso, de riz, de légumes lactofermentés, d’une protéine..Les Japonais ne disent pas « bon appétit », mais « il m’est donné d’alimenter ma vie » qui se dit « itadakimasu ». Les cuisines sont ouvertes pour apprécier les gestes des cuisiniers ainsi que les odeurs qui s’en dégagent. On comprend alors pourquoi toutes les chambres d’hôtels sont équipées d’un spray pour désodoriser les vêtements.. À la fin du repas (ou quand on sort d’un restaurant), on pourra entendre « gochiso-sama » -« c’était très bon ».
Il y’a aussi la langue japonaise, ses subtilités, sa poésie toute en images, avec des termes pour parler de la lumière traversant les feuilles en forêt par exemple – « Komorebi ». Un terme qui rappelle l’amour pour la contemplation évocatrice et magique de la nature. Trouver de la beauté dans l’imperfection – « Wabi-Sabi ». Accepter que rien n’est parfait, ni complet et qui nous invite à lâcher-prise sur nos attentes, la vie, à cultiver la modestie, l’humilité et s’ouvrir davantage à l’inconnu. Et pourtant, je ne peux m’empêcher d’avoir le sentiment que ce terme, n’était peut-être pas le plus représenté au Japon. La ponctualité est de rigueur, les trains ne sont jamais en retard, les queues devant le métro sont parfaitement alignées. Tout semble parfaitement orchestré : on laisse les wagons du métro se vider avant d’y pénétrer, on respecte l’ordre, on suit les marquages au sol.. telle une danse parfaitement synchronisée.
La spontanéité n’est pas le fort des japonais, si l’on souhaite aller au Japon, mieux vaut avoir tout réservé à l’avance au risque de devoir faire des heures de queue ou de faire une croix sur certaines visites. La patience est donc une grande force des japonais, qui peuvent attendre des heures dans les parcs d’attractions sans montrer aucun signe d’impatience, ou devant les restaurants notamment les dimanches. « Go with the flow » oui, mais plutôt dans le sens du courant.
Le respect, un contrôleur s’incline en entrant dans un wagon dans le train, et il fait de même en sortant, tout comme les vendeurs qui entrent et sortent des boutiques. J’ai aperçu aussi ces mêmes rituels à l’entrée et sortie de temples qu’ils soient bouddhistes ou shintoïstes. Je ne compte pas le nombre de mercis entendus dans une journée ou ceux des serveurs qui nous attendaient à la sortie des restaurants pour nous remercier de notre venue.
La pudeur, jamais de regards déplacés, quel bonheur et quelle rareté en tant que femme ! Il semble que l’on s’autorise à regarder une femme qu’à travers un écran, ou dans des quartiers tels que celui de Kakubicho à Tokyo, où règne à la tombée de la nuit, une ambiance que j’ai trouvée personnellement dérangeante, les façades éclairées exposent des visages ressemblant à des poupées, où sont proposés des services plus que douteux.
La propreté des rues, au Japon, il est encouragé d’emporter ses déchets sur soi, et chez soi, plutôt que de les jeter dans la rue. Il y a très peu de poubelles de rues et pourtant, elles sont impeccables. En une semaine, le nombre de déchets croisés comptaient dans moins d’une main.
La sécurité, la discipline, inutile de mettre des barrières pour les accès au métro, tout le monde paye et utilise son pass/ticket. Je n’ai jamais pensé à mes affaires personnelles lorsque j’étais dans la rue, ou dans les transports en commun, je me sentais en totale sécurité.
Le rapport à l’argent, et les rituels autour de celui-ci en disent beaucoup sur un peuple. Au Japon, que l’on paye en espèces ou en cartes, dans un supermarché, dans une boutique de vêtements comme dans un restaurant, nous déposons toujours notre moyen de paiement dans un petit plateau à cet usage. Je trouve ce geste très délicat, quasi cérémonial, cela permet aussi de donner et de reconnaître la valeur de l’argent et de conscientiser davantage nos dépenses.
Enfin la religion Shintoïste, par son approche animiste et son chamanisme nous invite à sanctifier la nature, les animaux,.. chaque parcelle de la vie est sacrée. Nous faisons partie d’un tout, notre lien avec la nature est divin. Il est bon et important de s’en rappeler de nos jours.
Je pourrais encore écrire de longues heures sur le Japon, il y a tant à dire.. Que j’aille a l’autre bout du monde, ou que je parte le temps d’un week-end à 1h de Dakar, je porte chacun de mes voyages dans mon cœur et aime me rappeler ce qu’ils ont pu m’apprendre sur moi et sur la vie. C’est ma manière de les honorer.
Cher Japon
, je te remercie, du fond du cœur.
Virginie


Naturopathe Dakar
"Fais du bien à ton corps pour que ton âme ait envie d'y rester" – Proverbe indien

Laisser un commentaire